Karen Antachian | Traduction de l’arménien par Vahé Godel

Traduction de l’arménien par Vahé Godel

Si bémol mineur

J’aime les immeubles désertés à moitié démolis
où vécurent des gens tout à fait ordinaires
où se rompirent des couples malheureux
la dernière semaine d’octobre
sur I’artère principale qui se développe sans but
et pourtant les chênes croissent consciencieusement
poésie
pour les professeurs de biologie
soupe de haricots rouges
I’odeur du Capital de Marx
I’histoire aux moustaches démodées
le passé noir et blanc de mes pères
même pour les profiteurs du premier hold-up
les interminables querelles des vieux maris tatillons
cactus
les histoires sans queue ni tête les salades
les sornettes des putes
les deux jours qui suivirent I’arrlvée des hirondelles
pour mes amis qui vivent au loin
les 500 premières années du dernier millénaire
les discussions sur I’existence de Dieu et sur la fin du monde
les allusions naïves et les forfanteries pathétiques
des demoiselles desséchées
alcool de cornouilles
la gravité du combat des femmes
contre I’ignoble loi du silence
les effets meurtriers de la vanité
I’impunité des coupables
les fausses bibliothèques
la description du monde au temps du matriarcat
des lèvres brumeuses tout ce qui s’embrume

le jardin luxuriant de mon père
des images de rochers
des histoires à dormir debout
en particulier la mienne : je suis né le 11e mois
à I’âge de 13 ans j’ai creusé un trou profond de 2 mètres
dans I’espoir de découvrir les restes d’une femme singulière
et les ossements de quelques hommes
un trousseau de clés une pomme verte
le lac Van
les mots «lange» et«fil d’âme»
la maturation richement oxygénée
des jeunes mères
la lettre E
et SURTOUT
Ies 3 à 18 minutes
nécessaires pour finir le poème.

Maladie printanière

L’Amour a des cheveux longs, il est doux…
Les yeux fermés et centré sur moi-même
je revois même la couleur de ses yeux et…tout le reste.
L’Amour peut des années durant garder les mêmes atours,
gris-bleus, parsemés
d’une multitude de petites fleurs blanches.
Au printemps, je pense profondément à l’Amour, craignant que le printemps ne tourne mal.

Et chaque fois que j’entends «L’histoire d’un Amour» I’Amour me prend doucement par la taille
et me mordille l’oreille droite.
L’Amour…, une fois tous les trois mois…

pendant vingt-cinq minutes…
une morsure qui ne m’est pas fatale.

Et comme toutes les histoires d’Amour,
comme tous les amours qui fleurissent dans le monde… l’Amour, mon Amour -il y a combien d’années…-
s’est marié avec un riche Arménien de la Diaspora
pour quitter le pays et s’en aller au loin… au loin…
(Les rues sont pleines de ses semblables. Dieu merci, il n’est pas là.)

2011

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